Présidentielle : et l'hôpital public ?

Présidentielle : et l'hôpital public ?

09 mars 2022

La santé est, avec le pouvoir d'achat, la principale préoccupation des Français. Mais cette fois encore, elle reste la grande oubliée des débats de la présidentielle. Hôpitaux publics en manque de moyens, pénurie de médecins, Sécurité sociale sous financée… Les inquiétudes sont pourtant nombreuses.

La Mutuelle Familiale a réuni cinq experts pour leur demander quels sont les chantiers prioritaires à mettre en œuvre. Selon Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France, médecin urgentiste, la défense de l'hôpital public est fondamentale.

« Si les salaires sont augmentés et le management réformé, les soignants reviendront travailler à l'hôpital »

 Notre hôpital public doit être considéré comme l'un des socles de la République  et l'une des structurations fondamentales de la société. Si la question du financement est bien évidemment essentielle, l'une des premières reformes à mener serait celle de sa réorganisation complète. Le management n'a jamais évolué depuis le milieu du XXe siècle et reste totalement inadapté : il se base sur celui mis en place dans les grandes entreprises. Il faut insuffler plus de transversalité, de parité entre les statuts, les sexes et les âges. Tendre vers le modèle de la démocratie sociale et participative, en instaurant davantage de bienveillance. Aujourd'hui, tout est basé sur le harcèlement. Le personnel hospitalier est victime de brimades sur tous les sujets : les conditions de travail, l'avancement des carrières…

Revoir le champ d'action des doyens

La première disposition managériale à prendre serait donc de revoir le champ d'action des doyens qui ont aujourd'hui plus de pouvoir que les ministres de la Santé ! Ils décident de tout : des places disponibles en première année de médecine, de l'impossibilité pour les médecins de changer de spécialité au cours de leur carrière… Ce sont également les doyens qui ont limité à 74 le nombre de réanimateurs médicaux formés chaque année. Il est impératif d'instituer plus de démocratie dans leur mode d'élection, afin que l'ensemble des médecins puissent participer à ce scrutin.

Lutter contre les fermetures de lits

Pour remédier au problème des fermetures de lits, il faut augmenter le salaire des personnels soignants. Il n'est plus acceptable d'avoir des rémunérations aussi basses. Et les revalorisations obtenues lors du Ségur de la santé restent bien insuffisantes. A l'heure actuelle, la France se trouve à la 23e place du classement de l'OCDE sur le salaire des infirmiers hospitaliers. Avant le Ségur, nous étions à la 28e place… Tant que les salaires ne seront pas augmentés, l'hôpital manquera de personnel et les lits resteront fermés. Or, la situation est de plus en plus dramatique. La hausse de la mortalité maternelle et infantile est directement liée aux fermetures des maternités. Il est également urgent de redonner des moyens à la psychiatrie, et notamment à la pédopsychiatrie, en ouvrant de nouvelles places pour de longs séjours.

Choix politique

La situation peut très vite s'améliorer. Si leurs salaires sont augmentés et l'administration mieux gérée, les soignants reviendront travailler à l'hôpital. Mais aujourd'hui, la priorité est donnée au budget. L'hôpital est toujours soumis à la loi Bachelot de 2007 qui prévoit des primes à ses directeurs lorsqu'ils réalisent des économies. Le Ségur de la santé a lui aussi été façonné de manière à ne pas perturber les reformes néolibérales mises en place depuis les trente dernières années. L'augmentation des salaires sera donc un choix politique. Il suffit de se souvenir des manifestations de l'automne 2019, lorsque les soignants réclamaient la hausse de leur rémunération, le gouvernement répondait que c'était impossible. Quelques mois plus tard, pendant la pandémie cette augmentation (certes trop faible) a été approuvée dans le cadre du Ségur.

Capucine Bordet

 

 A venir, l'interview de Laurent Moulin Responsable du service Prévention et promotion de la santé (Mutualité Française Auvergne- Rhône-Alpes)

 A venir, l'interview de Pierre Micheletti, médecin, président d'Action contre la faim

 A venir, l'interview de Gilles Pérole Adjoint au maire de Mouans-Sartoux pour l'enfance, l'éducation et l'alimentation

 A venir, l'interview de Etienne Caniard, ancien président de la Mutualité Française et expert reconnu des systèmes de santé.